À propos du rapport de l’INSERM
sur le “trouble des conduites chez l’enfant et l’adolescent”
Un texte du Dr Vincent
Médecin généraliste
Bonsoir,
Je suis un peu effarée par le nouveau rapport d’experts de l’INSERM(1) de septembre 2005, qui recommande de dépister les troubles du comportement de façon systématique dès l’âge de 36 mois(2). Il propose de former les enseignants au dépistage de ces troubles de façon à augmenter l’efficacité de la procédure. Ceci étant bien entendu fait en vue de prescription éventuelle de Ritaline ou Concerta LP(3) qui sont des dérivés amphétaminiques ou plus trivialement dénommés “pilule d’obéissance”. Je rappelle que les amphétamines coupe-faim et autres ont été retirées du marché il y a plus de 10 ans pour cause de toxicomanie. Nos enfants vont en “bénéficier” pour le grand bénéfice des laboratoires. Va-t-on copier le modèle américain qui a 5 millions d’enfants “traités” à la Ritaline ?
Il a été prouvé (dictionnaire Vidal 2005) qu’il existe une accoutumance psychique à ce produit, ce qui répond à la définition de “drogue” ; seulement elle est légale. Elle est prescrite en premier lieu par le spécialiste puis par le médecin traitant qui a obligation de continuer ce traitement sans modification ni changement de posologie.
Dans ma pratique, je vois peut-être des enfants en situation de souffrance psychique mais accompagnés la plupart du temps de parents débordés, angoissés, qui ont parfois abdiqué officieusement leur autorité parentale, parfois sous anxiolytiques et je me demande si on ne pourrait pas créer une “école des parents” (une éducation qui apprendrait aux parents à se faire obéir). De plus, parfois l’hyperactivité peut être causée par une carence en fer, en magnésium, trop de sucres raffinés.
L’INSERM a créé un nouveau syndrome, le TOP(4) (trouble oppositionnel avec provocation) : ce comportement relève pour ma part d’une construction de l’individu qui ne se fait pas forcément sans souffrance parentale ou infantile. Qui n’a pas subi une magnifique colère de la part de son petit amour adoré ? De plus les leaders que je connais (avocats, ingénieurs, maires, médecins, etc.) n’ont pas été des modèles de sagesse. Autrefois la solution était “le bonnet d’âne et au coin”. Pour ma part, un enfant trop sage me fait peur et je serais désespérée que mon fils ne me “pimente” pas la vie.
Veut-on un monde à la Huxley ? On y arrive doucement, mais je ne suis pas sûre d’apprécier celui-ci.
Dr Vincent
Novembre 2005
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Notes ajoutées par Daniel Calin
(1) L’INSERM
est l’Institut National de la Santé et de la Recherche
Médicale. Institution a priori vénérable, jusqu’à
ce qu’y soit installée, il y a quelques années, une mafia neurocomportementaliste
qui depuis commet régulièrement des “rapports d’experts” qui tentent,
avec un succès regrettable, d’imposer en France cette idéologie calamiteuse comme
la norme scientifique.
Le site Histoire de l’INSERM est
fort intéressant pour apprécier cette institution à sa juste valeur. On y apprend
en particulier que cette institution, qui existe sous cette appellation depuis 1964, a pris la suite
de l’INH, Institut National d’Hygiène, fondé en 1941
par le gouvernement de Vichy. L’orientation actuelle de l’INSERM peut ainsi être
relue comme un retour aux sources, fascistes, d’une institution moins vénérable
qu’il n’y paraît...
Le rapport en cause ici est l’expertise collective intitulée
Trouble des conduites chez l’enfant et
l’adolescent (texte au format PDF, 1672 Ko). On peut se contenter de lire
le dossier de presse (texte au format PDF,
107 Ko) qui en restitue l’esentiel.
(2) En réalité, les Recommandations de ces experts décidément très en verve vont beaucoup plus loin. Je cite, in extenso : Les examens de santé en France se déroulent depuis la grossesse jusqu’à l’adolescence avec des bilans systématiques pour l’enfant (8e jour, 9 mois, 24 mois, 5-6 ans). Ces examens devraient permettre de repérer des signes d’appel de trouble des conduites chez les enfants et également d’identifier des facteurs de risque familiaux ou environnementaux très précocement, voire dès la grossesse (page 46). Ce rapport évoque d’ailleurs (page 2), sans prendre clairement ses distances, la théorie du criminel-né élaborée par Lombroso au 19ème siècle. On n’arrête pas le progrès !
(3) Voir, sur ma page Humeurs, les textes consacrés à cette drogue officielle : Ne bourrez pas les enfants de psychotropes !, Hyperactivité et Ritalin et Ritalin(e) (bis). Toujours sur cette page, voir aussi un texte qui concerne les questions de fond soulevées par cette médicalisation de tous les malaises : Sociétés et troubles psychiques.
(4) C’est faire beaucoup trop d’honneur à la mafia neurocomportementaliste de l’INSERM que d’imaginer qu’elle ait pu inventer quoi que ce soit. Elle ne fait là, comme d’habitude, que relayer en France les “inventions” de la psychiatrie américaine. “Trouble Oppositionnel avec Provocation” (TOP) n’est que la traduction française de “Oppositional Defiant Disorder” (ODD). Ce “désordre” est une invention de l’American Psychiatric Association, créatrice du DSM-IV (Diagnostic and Statistical Manual – Revision 4). Le TOP/ODD porte le code 313.81 dans ce manuel de diagnostic psychiatrique. Voir, en anglais, la mise en ligne du DSM-IV. Voir aussi la traduction française de la définiton du TOP/ODD. On ne rit pas, s’il vous plaît, c’est de la psychiatrie scientifique !
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Cet article a été référencé par le site psychanalyse en mouvement, dans un sujet intitulé INSERM et souffrance psychique. Ce sujet n’est plus disponible en ligne.
Le Figaro a publié, le 24 avril 2006, sous la plume de Jean-Michel Bader, un article intitulé Psychiatrie : des experts trop liés à l’industrie. Cet article, à lire absolument, rend compte d’une étude américaine qui démontre que la majorité des auteurs du DSM-IV (voir note 4 ci-dessus) sont liés à l’industrie pharmaceutique. Certaines “maladies” ont même été inventées expressément pour justifier la prescription d’un médicament ! Elle est pas belle, la science ?
À lire également, sur la même thématique, deux textes d’Élisabeth Roudinesco, À propos d’un livre qui veut être Le livre noir de la psychanalyse et À propos du Livre noir de la psychanalyse ; un texte de Jean-Pierre Martin, Un « livre noir » contre Freud et contre la psychanalyse dans les offres de soin, la culture et la société ; un texte d’André Sirota, Qui veut créer Homme Comportemental, pour quelle humanité et pour le compte de qui ? ; un texte d’Yves Cartuyvels, « Le livre noir de la psychanalyse » : guerre des psy ou enjeu de société ?. Le tout sur le site du SIUEERPP (Séminaire Inter-Universitaire Européen d’Enseignement et de Recherche en Psychopathologie et Psychanalyse).
Sur le même site, un soutien politique à l’encontre des manipulations de l’INSERM : une Lettre ouverte de Roland Gori à Messieurs les sénateurs Jack Ralite et Jean-Pierre Sueur et la Réponse de Jean-Pierre Sueur à Roland Gori.
Sur Freud-Lacan.com : À propos du Livre noir de la psychanalyse de Charles Melman, Vous avez dit scientifique ?, de Christine Gintz.
Je propose sur mon site deux articles qui traitent de la question des toubles du comportement : Quelles prises en charge pour les enfants présentant des troubles du comportement ? et Les enfants du chaos. Le premier comporte, entre autres, un exposé complet (et amusé) du “TOP” défini par les “experts” du DSM-IV.
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