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Mise en œuvre d’une politique d’intégration
en faveur des enfants et adolescents handicapés

 

Circulaire n° 82-2 et n° 82-048 du 29 janvier 1982

Abrogée par la circulaire de simplification administrative n° 2009-185 du 7 décembre 2009.


B.O.E.N. n° 5 du 4 février 1982
R.L.R. article 501-0
Éducation nationale : Écoles

Texte adressé aux recteurs, aux préfets de région (direction régionale des Affaires sanitaires et sociales), aux préfets (direction départementale des Affaires sanitaires et sociales) et aux inspecteurs d’académie, directeurs des services départementaux de l’Éducation nationale.


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Introduction

Une meilleure prise en charge, au sein du service public de l’Éducation nationale de l’action éducative en faveur des enfants et adolescents handicapés doit constituer l’un des aspects de l’effort entrepris par le gouvernement pour lutter contre les inégalités sociales.

L’intégration des jeunes handicapés en milieu scolaire ordinaire a en effet été retenue parmi les priorités du plan intérimaire 1982-1983.

L’intégration vise tout d’abord à favoriser l’insertion sociale de l’enfant handicapé en le plaçant le plus tôt possible dans un milieu ordinaire où il puisse développer sa personnalité et faire accepter sa différence.

Elle lui permet ensuite de bénéficier, dans de meilleures conditions, d’une formation générale et professionnelle favorisant l’autonomie individuelle, l’accès au monde du travail et la participation sociale.

Enfin, en élargissant le champ des solutions proposées aux parents, l’intégration leur permet d’exercer plus pleinement leurs responsabilités et d’émettre un choix véritable en matière d’éducation pour leur enfant handicapé.

La loi d’orientation en faveur des personnes handicapées du 30 juin 1975 a fait de l’éducation, de la formation et de l’orientation professionnelle des handicapés une obligation nationale qui vise à leur assurer toute l’autonomie dont ils sont capables. Elle indique dans son préambule que les personnes handicapées doivent avoir accès aux institutions ouvertes à l’ensemble de la population et être maintenues dans un cadre ordinaire de travail et de vie « chaque fois que leurs aptitudes et celles du milieu familial le permettent ».

Déjà le ministère de l’Éducation nationale avait constitué un important réseau de classes et d’établissements spécialisés destinés à répondre aux besoins spécifiques d’enfants et d’adolescents présentant des handicaps divers ou des difficultés d’adaptation aux exigences et aux normes jusqu’ici définies par l’institution scolaire.

Ce secteur a certes répondu à sa vocation et les résultats obtenus ont été remarquables à bien des égards. Toutefois la classe, la section ou l’établissement spécialisé risquent de renforcer pour l’enfant qu’ils accueillent le sentiment de différence qu’ils prétendaient effacer et présentent en outre les inconvénients de toute structure ségrégative en favorisant l’isolement, la méconnaissance mutuelle et les tendances au rejet, si leurs finalités ne sont pas redéfinies dans le cadre d’une pédagogie d’intégration assumée par l’ensemble du système scolaire, avec la mise à sa disposition des moyens spécialisés adéquats.

Aussi assiste-t-on depuis quelques années à une évolution des esprits et la multiplication des expériences d’intégration scolaire est à cet égard significative. L’accès des enfants handicapés à l’école ordinaire reste cependant insuffisamment répandu et demeure trop limité à certains handicaps.

Il est donc nécessaire de mettre en place un dispositif institutionnel différencié, englobant à la fois le système scolaire ordinaire et les institutions spécialisées qui répondent à des besoins précis et spécifiques, capables de prendre en compte les caractéristiques de chaque enfant et de s’adapter à son évolution.

 

l. L’intégration éducative : un objectif et une démarche

Il convient de rechercher, pour chaque cas particulier, la possibilité d’apporter une éducation appropriée faisant appel à la fois aux moyens de l’ensemble des institutions scolaires et des institutions spécialisées de prévention, d’aide psychopédagogique, psychologique ou médicale. L’intervention de ces dernières doit donc être conçue en liaison avec le système scolaire ordinaire. Les commissions départementales et de circonscription de l’éducation spéciale pourront ainsi orienter davantage encore leur pratique dans ce sens. Il est en outre rappelé que toute décision d’orientation, résultant d’une évaluation des possibilités réelles de l’enfant, doit être entendue comme un processus continu révisable en fonction de l’évolution de chaque situation individuelle.

Il vous appartient donc, en fonction d’une appréciation d’ensemble des capacités actuelles et des besoins prévisibles en matière d’accueil, d’éducation et de soins des enfants et adolescents handicapés, de décloisonner le dispositif institutionnel existant dans une perspective d’intégration qui limite les phénomènes d’exclusion ou de ségrégation, en lui assignant prioritairement - mais non exclusivement - un objectif de réinsertion en milieu scolaire ordinaire chaque fois que possible, avec, si nécessaire, les soutiens spécialisés pédagogiques et thérapeutiques appropriés.

En raison de leur compétence en matière de soins et de rééducation et compte tenu de la nécessité d’assurer des accueils qui ne s’avèrent pas - prioritairement ou définitivement - possibles au sein du réseau scolaire ordinaire, les institutions spécialisées et leurs personnels doivent être associés à cette évolution et peuvent par ailleurs constituer le support technique de l’intégration.

 

2. L’intégration : une action progressive, mais résolue et cohérente

La recherche de l’intégration des enfants et adolescents handicapés, ne saurait résulter de la mise en place générale et immédiate d’un système définitif succédant à d’autres. Il s’agit d’une démarche qui doit inspirer le fonctionnement de nos institutions et des procédures qui les régissent et se réaliser progressivement avec discernement et souplesse.

L’intégration scolaire peut revêtir des formes multiples car il convient d’offrir des solutions adaptées non seulement à chaque type de handicap mais aussi à la personnalité des enfants, aux différentes étapes de leur évolution, à leurs désirs et à ceux de leurs familles et préparées avec le milieu d’accueil.

L’intégration individuelle dans une classe ordinaire doit être recherchée en priorité et s’accompagner, à chaque fois que cela s’avère nécessaire, d’une aide personnalisée sur le plan scolaire, psychologique, médical et paramédical. Lorsque leur handicap requiert l’intervention permanente des spécialistes ou nécessite une importante adaptation de la scolarité à leurs besoins particuliers, l’intégration collective permet de regrouper ces enfants dans des classes spécialisées. Enfin, il est nécessaire de prévoir des modalités encore plus souples de manière à permettre à un enfant ou à un groupe d’enfants de participer à certaines activités seulement de l’établissement scolaire, soit pour préparer une insertion complète ultérieure, soit pour amorcer entre les enfants handicapés accueillis en structures spécialisées et les autres enfants.

En fonction de leurs progrès ou des difficultés qu’ils rencontrent, les enfants doivent pouvoir passer d’un mode d’intégration à un autre de manière à leur assurer en permanence le soutien le plus efficace possible. Il faut cependant rappeler que l’évolution de ces enfants s’effectue souvent par paliers, des périodes de progrès rapides alternant avec des phases de répit, parfois de régression, nécessitant une attention accrue, sans qu’il y ait lieu forcément de modifier le type d’aide choisi.

Des formes encore inédites d’intégration seront encouragées si ces innovations permettent de répondre à des situations individuelles particulières ou d’accueillir des catégories d’enfants jusque là exclues de ce processus dès lors qu’elles n’entraîneront pas de nouvelles formes de ségrégation.

Pratiquée sans systématisation, l’intégration aura d’autant plus de chances de réussir qu’elle résultera d’un choix clairement exprimé par l’enfant, sa famille et l’enseignant ainsi que d’un projet éducatif aux dimensions à la fois médicale, psychologique et sociale.

Élaboré conjointement par l’équipe pédagogique de l’ensemble des partenaires (notamment familles et personnels médicaux et sociaux), ce projet intégratif ne se limite pas à la sphère scolaire mais doit aussi prendre en compte l’ensemble des situations vécues par les enfants et adolescents handicapés dans et autour de l’école. Il en va ainsi pour les activités périscolaires : loisirs, éducation physique et sportive, animation culturelle, etc. Ces activités périscolaires favorisent en outre le décloisonnement des structures et peuvent dans certains cas aider à la mise en œuvre du projet d’intégration scolaire.

La préparation et la réalisation de tels projets doivent être l’une des voies privilégiées pour amener, dans la concertation et la complémentarité des interventions, les multiples secteurs d’accueil concernés à coopérer et à s’adapter pour favoriser une évolution déjà amorcée.

 

3. L’intégration : un dispositif décentralisé, des conditions et des moyens de réalisation

Comme tout changement social, l’intégration suppose une modification profonde des mentalités et des comportements. Elle ne saurait cependant dépendre seulement d’interventions généreuses, car elle demande aussi que soient réunies certaines conditions sans lesquelles elle risquerait de susciter des désillusions et des difficultés préjudiciables à l’éducation des enfants handicapés eux-mêmes.

Devant largement résulter d’actions décentralisées, conçues et réalisées localement par les parties directement intéressées, la politique d’intégration doit cependant pouvoir conserver une relative cohérence.

Il ne vous est pas demandé d’établir une sorte de carte scolaire de l’intégration qui serait destinée à couvrir de façon homogène l’ensemble du territoire.

Mais partant de besoins potentiels ou déjà exprimés, vous rechercherez, en accord avec le milieu éducatif et en liaison avec le milieu associatif, et ferez connaître les circonscriptions géographiques de différents niveaux dans lesquelles, d’une part, pourraient être organisées des modalités diversifiées d’accueil et de scolarisation répondant aux principes évoqués plus haut et d’autre part, existerait un milieu d’accueil favorable, éventuellement déjà mobilisé à cette fin.

Votre attention doit être appelée sur l’enjeu que représentent, à titre d’exemple et dans une perspective de démultiplication, de telles réalisations.

Les indications ci-après ont pour objet de vous fournir un cadre de référence, appelé à être complété et précisé ultérieurement par la diffusion de textes plus techniques.

A) Principes d’action

a) Des actions concertées

Une concertation préalable doit être entreprise entre les pouvoirs publics, les organisations professionnelles, les collectivités locales, les associations de parents d’élèves et de parents d’enfants handicapés afin de permettre la prise en compte des multiples aspects liés à l’intégration.

b) Des actions décentralisées, mais coordonnées

Le regroupement des initiatives, la clarification des objectifs, l’évaluation des moyens et des actions ne peuvent s’affranchir d’une coordination assurée en commun par les représentants des ministères de l’Éducation nationale et de la Solidarité nationale, auxquels seront associés les représentants des autres administrations parties prenantes et notamment du ministère de la Santé.

c) Des dispositifs souples

Les expériences déjà entreprises montrent la nécessité de structures souples qui permettent à des personnels spécialisés venant de l’extérieur d’intervenir à l’école en participant pleinement à la vie scolaire. Des rapports étroits doivent entre autres être créés entre l’institution scolaire et les institutions spécialisées fonctionnant hors de l’école.

B) Les moyens de l’intégration

a) Assurer les moyens matériels de l’intégration

Même s’il existe de larges possibilités de reconversion des moyens existants, une politique d’intégration requiert des moyens nouveaux. D’ores et déjà, les moyens supplémentaires accordés ou prévus pour l’ensemble du système éducatif sont de nature à faciliter la mise en place des moyens spécifiques liés à l’intégration :

Affectation de personnels relevant de l’Éducation nationale ou du secteur social et de l’éducation spécialisée (enseignants, agents de service, intervenants spécialisés, personnels de prévention) ;

Une grande souplesse dans l’application des normes d’effectifs dans les classes, en fonction de chaque situation, pouvant entraîner un allégement quantitatif ou une amélioration qualitative prenant en compte les difficultés d’ordre socio-culturel ;

Réalisation de travaux ou d’équipements nécessaires à l’accessibilité des locaux scolaires ;

La mise en œuvre d’un soutien à la fois pédagogique et thérapeutique, utilisant au maximum les ressources spécialisées existantes, grâce à des aides médicale, paramédicale, psychologique et sociale dont les conditions techniques, administratives et financières de fonctionnement feront l’objet de directives communes aux deux ministères, notamment en ce qui concerne les services de soins et d’éducation spécialisés à domicile prévus par le décret n° 70-1332 du 10 décembre 1970.

L’appréciation des moyens nécessaires au bon déroulement des projets d’intégration devra tenir compte d’une nécessaire continuité pédagogique, les opérations annuelles liées aux procédures budgétaires et de programmation ne devant pas faire obstacle à leur bon déroulement.

Vous veillerez aussi à obtenir l’accord des partenaires intéressés, en particulier les collectivités locales, et à définir dans un cadre conventionnel le fonctionnement d’un dispositif dont l’action sera coordonnée par les responsables d’établissements scolaires.

b) Former les personnes concernées

L’information concernant les objectifs et les moyens de l’intégration doit s’insérer dans la formation des enseignants et des intervenants appelés à assurer un soutien éducatif et thérapeutique tant au niveau de leur formation initiale que dans le cadre des programmes de formation continue dont les contenus seront revus dans ce sens.

Les enseignants non spécialisés et directement associés au projet d’intégration feront l’objet d’un effort particulier d’information, de formation et de soutien. C’est ainsi que les ministères de l’Éducation nationale et de la Solidarité nationale diffuseront des documents techniques et pédagogiques à leur intention.

Des sessions de formation continue ouvertes aux diverses catégories de personnels concernés seront organisées au niveau de l’académie ou du département par les responsables de nos deux administrations en tenant compte des possibilités déjà existantes en plan local.

c) Apporter une aide à la famille

Il est tout à fait essentiel d’associer la famille et l’enfant à la décision puis à l’élaboration du projet d’intégration et de prévoir des rencontres fréquentes avec l’équipe éducative. Ces contacts répondent au souhait généralement exprimé par les parents d’être davantage associés au processus d’éducation, permettent une connaissance plus globale de l’enfant et peuvent s’inscrire dans un dispositif d’accueil, d’aide à la famille et de guidance parentale.

d) Sensibiliser et informer

Il s’agit ici de l’un des éléments importants de la réussite de l’intégration. Une information sérieuse et claire contribue efficacement à faire tomber les préventions, les résistances et les obstacles psychologiques que provoquent souvent les différentes formes de handicap ou d’inadaptation.

Il est souhaitable qu’une action d’information et de sensibilisation accompagne les actions d’intégration et touche l’ensemble des personnels y compris les personnels de service et de surveillance, les élèves de l’établissement d’accueil et les familles.

Les associations de parents d’élèves et les associations de parents d’enfants handicapés, dont vous veillerez à obtenir le concours, pourront jouer un rôle tout à fait positif à cet égard.

Mais ce sont surtout les enseignants non spécialisés, appelés à intervenir de plus en plus en faveur d’élèves handicapés, qui verront renforcées leur formation et leur information sur la nature et les conséquences des handicaps de tous ordres, dans une double perspective d’adaptation et de prévention.

L’effort doit à la fois porter sur les formations initiales et sur les actions de formation continue et permanente organisées dans les académies et les départements. Une place grandissante doit être réservée aux problèmes posés par l’intégration. Les différents stages que vous organiserez feront largement appel à la participation simultanée et réciproque de spécialistes de nos deux administrations tant comme intervenants que comme stagiaires.

C) L’évaluation des actions

L’action d’intégration doit enfin faire l’objet d’un suivi régulier indispensable pour obtenir des informations sur les opérations, en apprécier le résultat et en tirer des enseignements.

Au niveau de l’établissement, une évaluation doit être l’occasion d’ajuster les modalités de l’intégration aux besoins de l’enfant.

Il vous appartient par ailleurs de recenser toutes les opérations d’intégration déjà réalisées, en cours ou projetées pour en assurer le suivi et l’évaluation.

Ces informations doivent contribuer en outre à alimenter la recherche menée dans le domaine du handicap et de l’intégration.

La division de l’éducation spécialisée au ministère de l’Éducation nationale et la sous-direction de la réadaptation de la vieillesse et de l’aide sociale au ministère de la Solidarité nationale seront à votre disposition pour vous aider dans la mise en œuvre de ces actions en diffusant des informations sur les opérations en cours, en favorisant une réflexion et un effort de recherche sur le thème de l’intégration et en s’efforçant de résoudre les difficultés d’ordre administratif qui se poseraient.

Le ministre de la solidarité nationale,
N. QUESTIAUX
Le ministre de l’éducation nationale,
A. SAVARY


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Dernière révision : lundi 29 septembre 2014 – 18:10:00
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